Qui s'y frotte, s'y pique !!
Elle n'a pas toujours eu bonne réputation, peut être parce qu'il s'agit d'une plante piquante ou envahissante, et pourtant ses bienfaits sont connus depuis l'Antiquité.
Tonique, minéralisante, diurétique, équilibrante, anti-rhumatismale, hémostatique, hypoglycémiante,... une liste sans fin!
Si je vous la présente à cette saison, c'est parce qu'il est encore temps de la cueillir* pour vous rebooster avant l'hiver. Choisissez des tiges fauchées dans l'été et qui, par leur repousse, montrent encore des feuilles assez jeunes. Bien sûr dans des lieux préservés de toute pollution....
Et si la plante est montée à graines, ce sont les grappes de graines que vous pouvez récupérer pour d'autres vertus.
Les légionnaires romains ne manquaient pas de courage : ils utilisaient l'ortie pour soulager leurs jambes fatiguées en pratiquant l'urtication : une flagellation de leurs propres membres avec des tiges urticantes.
Aujourd'hui, cette pratique, toujours utilisée par les Amérindiens et les Sibériens, a été validée scientifiquement pour traiter l'arthrite. Et elle n'est pas sans me rappeler les propos de ma grand mère qui, après chaque balade marquée par des contacts indésirables avec un massif d'orties, nous rassérénait devant nos démangeaisons : "tout cela vous évitera des rhumatismes plus tard". Sans connaître l'histamine ou l'acide formique qui semblent avoir un effet bénéfique sur les articulations souffrantes, elle ne se trompait pas! On sait maintenant que l'action urticante de l'ortie est due aux liquides contenus dans ses poils
Bien avant cela, les Egyptiens l'utilisaient d'ailleurs en infusion pour soulager leurs articulations et leurs lumbagos.
Au Moyen-Age, ce sont ses propriétés de purification du sang qui ont été valorisées, ainsi que son utilisation contre les empoisonnements et les infections. Son utilisation thérapeutique et alimentaire s'est prolongée en Europe jusqu'à la Renaissance puis elle est tombée dans l'oubli.
Elle est finalement inscrite depuis 1818 au Codex de la Pharmacopée française.
Les propriétés très particulières de l'ortie semblent dues à la présence fort surprenante de molécules du règne animal :
-l'acide formique propre à la fourmi rouge
-l'acétylcholine et de l'histamine présents dans le venin des abeilles (potentiellement allergisant)
- et même de la sérotonine, un neuro transmetteur particulièrement utile à notre bonne humeur!
Riches en glucides et en fibres, les feuilles d'ortie sont aussi reconnues pour avoir la même valeur protéique que la viande, étant très riches en protéines complètes avec un équilibre rare des 8 acides aminés. On parle d'un apport de 40g de protéines pour 100g de feuilles séchées *.
Elles contiennent 8 fois plus de vitamine C que les oranges et 2,5 fois plus de fer que les épinards! Mieux que l'épinard d'ailleurs puisqu'à leur différence, elles ne contiennent pas ces oxalates qui peuvent conduire à des calculs rénaux en fortes quantités.
Pour parler vitamines, le cocktail est quasi complet : de la pro-vitamine A (béta carotène) à la vitamine K, en passant par la vitamine B (B1 B2 B3 B6 B9), vitamine C et vitamine E. .
On comprendra aisément l'action reminéralisante de l'ortie par sa richesse en calcium, potassium, silicium, magnésium, phosphore, fer (dont la biodisponibilité est augmentée par la présence vitamine C), ainsi que le zinc très anti-inflammatoire comme du sélénium et manganèse qui renforcent ses pouvoirs anti-oxydants.
Juste quelques chiffres pour les amateurs (source https://www.cairn.info/revue-hegel-2016-3-page-280.htm)
* Comme le rappelle Florence Foucault, l'ortie est aussi
une exceptionnelle source de protéines et donc d'acides aminés, leurs constituants de base.
Un clin d’œil pour tous les végétariens et végétaliens pour lesquels la consommation d'ortie, fraiche ou en poudre devrait être incontournable.
Les atouts sont sans fin pour les feuilles d'ortie : elle contiennent une quantité remarquable de chlorophylle . Celle-ci favorise la détoxication et purifie le système digestif tout en aidant à la régénération des cellules !
Les feuilles :
Les bienfaits de l'ortie sur le système articulaire ne sont donc plus à prouver comme ses propriétés anti-rhumatismales.
Parmi l'interminable liste de vertus de cette plante (reminéralisante, anti-anémique, anti-allergique, anti-asthmatique, anti-pelliculaire, anti-acné, anti-inflammatoire, hypoglycémiante, hypotensive, vermifuge, lutte contre l'alopécie, galactogène...), j'insiste ici sur trois fonctions de fonds particulièrement intéressantes à cette saison :
- diurétique et dépurative : l'ortie renforce l'excrétion d'acide urique par les reins et favorise ainsi leurs mécanismes de filtration et d'élimination. Ces processus, qui limitent les crises de goutte, contribuent à un nettoyage profond du sang et indirectement des voies digestives à commencer par le foie puis les intestins. La richesse en chlorophylle étant essentielle pour cette fonction détoxifiante. Par cette extraordinaire capacité à éliminer les toxines jusqu'en profondeur, les émonctoires secondaires "peau et poumons" se trouvent aussi améliorés.
- tonifiante et revitalisante : c'est toute la particularité de l'ortie que d'être reminéralisante par sa richesse exposée précédemment et drainante par ses vertus sur la fonction rénale. Un nettoyage du corps et sa recharge minérale en simultané! Rares sont les plantes qui ont cette double fonctionnalité, une double richesse extrêmement bénéfique avant l'hiver pour amener un coup de fouet, retrouver une bonne vitalité et bien sûr favoriser les réactions métaboliques dans un milieu moins acidifié, un ensemble qui induit un vrai regain pour l'immunité.
- équilibrante et fortifiante pour les femmes notamment : astringente, elle stabilise les règles irrégulières et sous une forme séchée, elle fortifie les femmes enceintes (attention, l'ortie fraîche peut stimuler les contractions utérines). Elle facilite l'absorption du fer et l'aide à se fixer sur l'hémoglobine des globules rouges, ce qui limite l'anémie faisant suite aux menstruations trop abondantes.
Les racines :
Riches en lignanes (dont l'intérêt est reconnu contre le cancer) et en stérols anti-inflammatoires, les racines d'ortie, sous forme de teinture ou de produits finis, constituent un remède efficace contre l'hypertrophie bénigne de la prostate ou de la vessie irritable.
Mode d'emploi : Préparer une décoction dans les proportions d'une cuillère à café de racines sèches par tasse. Laisser bouillir 5 min et infuser 10 min. Peut se consommer à raison de 3 tasses/ jour sur une durée de 6 mois (avec quelques intermèdes..).
Les graines :
Elles sont aphrodisiaques et surtout reboostantes ! Ce sont des composés aux propriétés adaptogènes, ou encore de véritables tablettes multivitaminées qui sauront vous apporter la juste dose d'énergie dont vous avez besoin, sans ressentir ni stress ni fatigue. Elles se ramassent en fin d'été et sont à faire sécher pour se consommer tout l'hiver!
Comme elle protège le corps, elle protège l'esprit !
L'ortie a longtemps été utilisée en magie pour ses pouvoirs de protection. On préconisait par exemple d'éparpiller de l'ortie séchée autour de la maison afin d'empêcher les influences négatives d'y pénétrer. Les Islandais s'en servaient même "comme fouet pour frapper les sorciers".
On retrouve cette énergie de protection dans sa dimension psychique : l'ortie est une bonne alliée pour les personnes qui n'ont pas trop les pieds sur terre ou qui ont tendance à se laisser influencer par les autres, à être toujours gentilles et d'accord avec tout le monde.
L'ortie apprend à poser ses limites, à se préserver, à s'imposer de manière naturelle. Elle enseigne l'attitude qui aide chacun à prendre sa place.
Grâce à l'ortie, je peux affirmer :
Je me sens partout à ma place.
Je ressens la légèreté de la vie.
Je vis dans l'attention et le respect.
Je suis conscient du mouvement de la vie et me laisse guider.
Elle est protectrice aussi par ses pouvoirs de guérison : une botte d'orties fraichement coupées, glissée sous le lit d'un malade peut l'aider à guérir. On dit aussi que les vibrations émises par la plante en pot, placée dans la chambre d'une personne malade, hâtent sa convalescence.
L'ortie parle d'abondance, de franchise et de simplicité. Par l'attention qu'elle demande à chaque mouvement, elle augmente la présence et la conscience. Elle clarifie l'esprit. Pour certains auteurs, elle rime aussi avec franchise, puisque contrairement à d'autres plantes, elle ne cherche pas à cacher ses défauts derrière une apparence flatteuse!
Pour les Romains, l'ortie était surtout le symbole de la luxure et sa magie était utilisée dans les philtres d'amour, par son lien avec Vénus. Probablement de par son caractère aphrodisiaque aussi..
"On a tous un grand père ou une grand mère qui la consommait". L'ortie, dans sa symbolique, nous parle de la relation au père, et de la mort du père, c'est le sens que souignent les docteurs Olivier Soulier et Didier Grandgeorges, spécialistes de la médecine du sens.
La symbolique est donc tout aussi riche que la plante, alors je terminerai cette rubrique par cette belle image reprise du site luminessens
L'ortie demande : "Qui est devenu invisible à vos yeux?"
Ainsi, elle vous rappelle tout ce que vous ratez en ne voyant plus l'individualité de chacun"...
La soupe :
On peut l'agrémenter à souhait mais pour préserver les bienfaits de la plante, on recommande de cuire les feuilles à feu doux.
«L'eau de cuisson peut être récupérée et consommée, car les vitamines s'y retrouvent. Il s'agit plus d'un bouillon que d'une soupe, mais cela vaut la peine».
Voici une recette d'une soupe d'ortie presque crue (source cuisine.saine.fr) :
Le plus : On peut y ajouter un peu de purée d'amandes dont la saveur se mêle parfaitement à la composition
Les pesto /tartare et autres tartinades fraîches :
Je les prépare surtout avec les cueillettes de printemps mais on peut les envisager à toute saison (hormis l'hiver) dès lors que l'on trouve des jeunes pousses.
Il suffit de découper finement les feuilles d'orties (contenance d'un saladier environ) avec une à deux gousses d'ail, de les mettre dans un mixer (qui tourne à vitesse modérée) et d'y ajouter progressivement le jus d'un citron, de l'huile d'olive jusqu'à ce que l'on obtienne un mélange qui garde une consistance permettant d'être facilement tartinée. On peut y ajouter un peu d'avocat (voire du guacamole), des noix, de la purée de noisette, du tamari, du fromage frais, et tous les ingrédients qui vous semblent s'associer, pour adoucir ou pimenter la saveur de votre tartare !!
Se consomme rapidement toutefois car l'ortie crue s'oxyde très vite!
Et laisser aller votre imagination pour les tartes et quiches en tout genre!!
.. de simples oignons, en passant par les lardons, le saumon, les fromages, les poivrons, courgettes, brocolis, champignons ... l'ortie se mixe avec tous les appareils.
Pour la préparation, je les plonge les feuilles découpées dans une eau chauffée à 70 degrés puis je les égoutte lorsqu'elles sont ramollies. Cela facilite leur intégration au mélange à base d'oeufs ou de tofu éventuellement...
*Il existe au moins 80 espèces d'orties mais à quelques nuances près, toutes ont des propriétés similaires. Deux espèces sont très fréquentes sous nos climats : la grande ortie (Urtica dioïca) et la petite ortie (Urtica urens), un peu moins fréquente, plus petite comme son nom l'indique et souvent plus ramifiée à la base . Les confusions avec d'autres plantes sont rarissimes, chacun connaissant cette urticante depuis l'enfance.
Pour la cueillir, on peut bien sûr se munir de gants, profiter de la fin d'une averse, ou remonter la tige en la coupant vers le haut pour éviter d'être piqué. En cas de piqûre, les feuilles froissées de Plantain font merveille!
Et puis, si on ne trouve pas d'orties près de chez soi ou dans un lieu sûr écologiquement, on peut s'adresser à son producteur local, son herboriste, son magasin bio pour trouver de l'ortie sèche en feuille ou en poudre.
Merci au magazine Plantes et Santé qui m'a apporté la base de cet article, complété d'informations piochées au gré de mes rencontres